Infolettre

Décembre 2023

Mot de la coordination

Encore un mois occupé dans le grand monde de la lutte pour la justice fiscale ! Dans l'édition de ce mois de décembre, nous vous proposons entre autres :

  • un retour sur deux sujets brûlants de la politique fiscale canadienne à l'international ;
  • une perspective sur les retombées de la poursuite des enquêtes entamées par les autorités fiscales nationales à la suite des fuites de dossiers financiers  
  • une incursion dans un débat méthodologique aux conséquences pourtant bien pratiques ;
  • et plus encore !

Nous profitons par ailleurs de cette dernière communication de l'année 2023 pour vous souhaiter un joyeux temps des fêtes. À l'année prochaine, pour une autre année de lutte en faveur d'un système fiscal plus juste et de services publics plus forts. 

 

Bonne lecture !

 

 

Les dossiers chauds

 

22 novembre : retour sur un vote historique

C’était la grande nouvelle de l’automne 2023 : après des mois de discussions, l’Assemblée générale de l’ONU adopte à la majorité des voix le projet de résolution nigérian appelant à la création d’un organe fiscal international sous l’égide de l’ONU.

L’opposition des pays de l’OCDE (dont le Canada) n’aura donc pas suffi à faire couler le projet, qui est appuyé par l’essentiel des pays en voie de développement. Il s’agit d’une décision historique susceptible d’infléchir le cours des discussions internationales en matière de fiscalité, jusqu’à aujourd’hui encore dominées par l’OCDE et ses membres. #Encaisser

L'avis du Tax Justice Network

 

Quid de la TSN au Canada ?

C’est le point d’incertitude principal de la politique fiscale canadienne: après des années de tergiversations, le gouvernement canadien mettra-t-il en œuvre une Taxe sur les services numériques, comme il s’y était engagé en 2020 ?

La mesure est réapparue cet automne dans le projet de loi d’exécution des mesures contenues dans l’Énoncé économique de l’automne (projet de loi C-59) déposé par le gouvernement fédéral. Un signe qui aurait pu être encourageant, mais qui, en l’absence d’une date d’entrée en vigueur officielle, ne représente rien de plus qu’un énième retour à la case départ.

La démonstration de force du gouvernement fédéral, qui cet été déclarait vouloir aller de l'avant malgré les menaces de riposte commerciale des États-Unis, n’était-elle rien de plus qu’une promesse vide? Alors que le Pilier I semble enlisé, que les multinationales continuent de s’enrichir au détriment de l’intégrité de notre système fiscal, une intervention vigoureuse du gouvernement semble plus que jamais nécessaire.#Encaisser

 

Poursuivre les pistes des leaks rapporte, le cas de la France

Panama Papers, LuxLeaks, Paradise Papers… Des noms qui, pour plusieurs sans doute, sont synonymes de scandales et de réputations professionnelles à jamais entachées. Mais ces fuites de documents financiers peuvent-elles servir à rapatrier les sommes perdues qu’elles font miroiter ?

Un document du parlement français publié récemment confirme que les informations fournies par les leaks, en particulier les Panama Papers, rapportent gros au fisc français. En tout, ce sont près de 450 millions d’euros qui ont ainsi pu être recouvrés par les autorités fiscales françaises depuis le début des années 2000. Les documents issus des fuites, compilés dans des bases de données rendues publiquement disponibles par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), servent de «première base de travail» aux équipes d’inspection, qui les emploient pour identifier de potentiels contrevenants.

Qu’en est-il du Canada ? Les derniers chiffres, datant de 2021, faisaient état de 21 millions de dollars récupérés par l’ARC à la suite des Panama Papers, des chiffres qui déjà à l’époque faisaient pâle figure face au tableau de chasse du fisc français.#Démasquer

Lire l'article dans Le Monde

 

Coup d'œil sur la recherche

 

Rapport de l'OCDE : Plus de la moitié des profits peu imposés le seraient dans les pays à fiscalité élevée

Un récent rapport de recherche publié par le Centre d'administration et de politique fiscales de l'OCDE fait le point sur le taux d'imposition effectif des grandes sociétés multinationales à travers les différentes juridictions où ces sociétés opèrent.

Les constats, bien que choquants, n'ont cependant rien de surprenant. Alors que la part de profits mondiaux imposés à un taux inférieur à 15 % dépasse les 35 %, les auteurs de l'étude montrent que ce sont les pays à haut taux d'imposition statutaire qui sont en réalité les plus largement responsables de cette situation. Bien que la distinction entre paradis fiscal et pays à fiscalité «normale» soit toujours valable, cette étude nous invite à reconsidérer le rôle des pays riches qui, en offrant toujours plus d'incitatifs fiscaux aux multinationales, sapent les fondations de leurs propres systèmes fiscaux.  #Encaisser

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Le projet BEPS de l'OCDE est-il à la hauteur des attentes ?

En 2013, l'OCDE déposait devant ses États membres son projet BEPS, un plan d'action en 15 mesures visant à contrer les effets du phénomène de transfert de bénéfices sur les systèmes fiscaux des pays à haut taux d'imposition. Dix ans plus tard, alors que le processus de mise en œuvre de ces mesures (adoptées dans près de 145 pays) tire à sa fin, l'heure est au bilan : le projet BEPS a-t-il eu les effets escomptés ?

Ce rapport de l'Institut allemand du développement et de la durabilité (IDOS) propose un survol des défis qui attendent la communauté internationale à l'heure où plusieurs pays en voie de développement réclament la démocratisation du processus de prise de décision en matière de fixation des règles fiscales mondiales. Le projet BEPS, lit-on, a eu un effet positif sur la lutte contre l'évitement fiscal, mais bénéficierait d'une plus grande ouverture aux intérêts des pays non membres de l'OCDE ainsi que d'une mise en œuvre systématique, qui garantirait une portée plus importante à ce qui apparaît souvent comme une liste de souhaits. #Encaisser

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Croissance des inégalités : au-delà du débat technique

Quand la solution ne fait pas débat, il ne reste plus qu'à contester l'évidence du problème. C'est ce qu'ont fait récemment les économistes Austen et Splinter, qui dans une étude se sont attaqués aux conclusions de leurs collègues Piketty, Saez et Zucman concernant la taxation exceptionnelle des individus les plus riches. Leur objectif : nier la réalité de l'augmentation des inégalités économiques croissantes pour, du même coup, faire disparaître le besoin d'une réponse politique.

Dans cette réponse à leurs critiques, Piketty, Saez et Zucman s'attaquent tant aux incohérences qu'aux présupposés tacites qui informent les travaux d'Austen et Splinter. Au-delà de la question méthodologique, c'est celle - politique - de la répartition théorique du revenu non ou insuffisamment taxé qui distingue leurs études. Un vibrant plaidoyer, donc, pour une plus grande transparence fiscale et, surtout, une lutte plus efficace contre l'évitement fiscal sous toutes ses formes. #Encaisser

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