FRANCOPHONIE SYNDICALE
5 novembre 2020


Aux Organisations syndicales de l’éducation de l’espace francophone

1. L’éducation en temps de pandémie

La pandémie du Covid-19 a contraint plus de 1,37 milliard d'élèves et d'étudiants à rester à la maison avec la fermeture des écoles et universités. Lors de la dernière réunion du Bureau du CSFEF, le 7 octobre, on a brossé un tableau de la situation dans quelques pays francophones.

Voici un rapide tour d’horizon :

- En Tunisie, la deuxième vague du Covid19 qui se propage vite sans que le gouvernement prenne des mesures sérieuses. Des milliers de personnes contaminées (plus de 20 000) et des centaines de morts (plus de 350).

La rentrée scolaire a respecté le calendrier habituel, le 15 septembre, et fin septembre pour le supérieur, le ministère a établi un protocole avec les services de la santé publique mais il n'est pas respecté malgré les promesses du ministre ce qui pourrait rendre la situation catastrophique au fil des semaines (pas de masque aux élèves des familles démunies, manque de désinfectant, des centaines d’écoles primaires sans eau potable, d’autres sans ouvriers…)

- En Mauritanie, la situation est similaire à celle de la Tunisie.

- Au Liban, le ministre de l’Éducation a reporté la rentrée à maintes reprises, la situation est catastrophique surtout après l’explosion au port de Beyrouth.

- En Algérie, il y a confinement total dans les régions. La rentrée scolaire a été reportée au 4 novembre. Le protocole sanitaire de la rentrée n’était pas encore annoncé le 7 octobre. Le corps médical et paramédical est épuisé et atteint de contamination avec des décès.

- À l’Île Maurice, il y eu un confinement total à partir du 19 Mars 2020. On a eu 350 cas avérés et 10 décès, dont un médecin très connu qui s’occupait des patients. Force est de savoir qu’ils ont pu contenir la pandémie au bout de trois mois. L’économie démarre lentement. Les écoles ont ouvert les portes le 1er Juillet 2020. En octobre, il n’y avait aucun cas local, et, ce, depuis fin Avril 2020. Toutefois, l’île a enregistré 28 cas importés, qui sont actuellement traités dans un hôpital spécialisé.

- À Madagascar, la population a aussi été confinée dès mars 2020, mais après trois mois, ils ont partiellement démarré les activités. Les écoles ont ouvert sous de strictes conditions sanitaires. En premier, les classes du secondaire et baccalauréat et autres écoles privées. Actuellement toutes les écoles sont ouvertes.

- Au Cap-Vert, la FECAP / SIPROFIS, appelle le ministère de l'Éducation, à une plus grande prudence dans la réouverture des écoles, impliquant les autorités compétentes en matière de santé, de sécurité, les partenaires locaux de l'éducation, les parents, les tuteurs et les enseignants à évaluer l'ensemble scénarios possibles avant qu’ils ne prennent effet.

- Au Québec, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a établi un mécanisme de dialogue social avec le ministère de l’Éducation depuis le début de la pandémie. Au printemps dernier, il y avait des contacts quotidiens entre le ministre de l’Éducation et la FSE.

Depuis la rentrée en septembre, les contacts se poursuivent de manière régulière mais pas à un rythme quotidien. La FSE a discuté avec le ministre trois fois, et elle a des contacts hebdomadaires avec le sous-ministre de l’éducation.

- En France : dans le contexte de cette rentrée particulière, le train de réformes (lycées, fonction publique, évaluation des personnels et des établissements) poursuit sa route, des évaluations nationales standardisées alourdissent la charge de travail avec un doute sur leur pertinence, des états généraux du numérique se tiennent le mois prochain en lien avec la situation difficile vécue.

- En Roumanie, la pandémie a mis en danger la vie des gens et a bouleversé le fonctionnement des institutions. Les écoles n'y font pas exception. Une année scolaire atypique a pris fin à la mi-juin, avec un second semestre déroulé à distance, en ligne, là où c'était possible, vu que les établissements scolaires ont fermé sur l'ensemble du territoire. Sur cette toile de fond est né un vif débat pour et contre l'éducation en ligne. Il s'agit de savoir, entre autres, si la Roumanie est prête à recourir à nouveau à cette solution, le cas échéant. Le gouvernement se dit préparé pour assurer les conditions nécessaires à l'enseignement en ligne, si la situation sanitaire se dégrade. Pour ce faire, des tablettes ont été achetées pour les offrir aux élèves et des négociations sont en cours, afin d'assurer les connexions Internet. La rentrée scolaire a eu lieu le 14 septembre 2020. En fonction du nombre total de nouveaux cas de coronavirus rapportés, les cours sont offerts à distance ou en présence.

- La Grèce a été relativement épargnée par l’épidémie (environ 10 000 cas au 1er septembre). Néanmoins, le pays a pris des mesures très strictes pour la rentrée. Tous les écoliers devront porter le masque en permanence, et ce, dès la maternelle. Alors que l’Organisation Mondiale de la Santé ne l'avait préconisé qu’à partir de 12 ans, le pays était le seul à l’imposer si tôt.

- En Serbie, les syndicats de l'éducation se sont mobilisés pour plaider en faveur d'un retour à l'école en toute sécurité pour le personnel éducatif et les élèves.

- En Hongrie, il manque des dizaines de milliers d'enseignants dans les collèges et les lycées, selon la principale organisation syndicale. Cette pénurie est due à des salaires trop faibles et à de mauvaises conditions de travail. En parallèle, des lycéens ont appelé à une grève nationale contre des réformes adoptées durant l’été.

- En Suisse, le Syndicat des enseignants romands (SER) déplore que, lors de l'enseignement à distance de ce printemps, l'écart de performance entre les élèves favorisés et ceux qui le sont moins sur le plan éducatif s'est encore creusé. Le SER demande qu’au cours de la nouvelle année scolaire, l'accent soit mis sur les élèves pour lesquels des lacunes dans les apprentissages sont apparues pendant le confinement. Les ressources supplémentaires nécessaires à l'encadrement doivent donc être disponibles tout au long de l'année scolaire. En même temps, il faut mettre en place dans toute la Suisse, y compris dans les zones rurales, une bonne offre d’encadrement social scolaire, un soutien linguistique précoce et des structures de garde d'enfants complètes. Cela permettra de mieux tenir compte des situations familiales des élèves parfois extrêmement différentes et de faire en sorte que tous les enfants puissent mener à bien leur cursus scolaire avec le plus d’équité possible.

2. Le PASEC – la CONFEMEN n’a pas respecté ses engagements

En 2019, la CONFEMEN a réalisé dans enquête dans le cadre du PASEC (Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN) qui comprenait une évaluation des enseignantes et enseignants. La collecte des données s’est déroulée dans 14 pays africains : Sénégal, Guinée, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Cameroun, Gabon, Congo, République démocratique du Congo et Madagascar.

Avant de débuter la collecte des données dans chacun des pays, le CSFEF a accepté de faire partie d’un comité d’éthique dont le mandat visait « à instaurer les bonnes pratiques autour des données dites sensibles, à savoir les caractéristiques, représentations et niveaux de maitrise de contenus d’enseignement des enseignants ».

Toutefois, contrairement aux engagements pris par la CONFEMEN, le coordonnateur du PASEC n’a convoqué aucune réunion du comité d’éthique pendant toute la période de l’enquête. Le 23 juillet 2020, lorsque le secrétaire général du CSFEF a été invité à participer à une réunion virtuelle du comité scientifique, nous avons appris que l’équipe du PASEC en était à la phase du traitement des données.

Le CSFEF est très inquiet quant à la finalité de cette évaluation des compétences du personnel enseignant. Nous savons depuis le début que le terrain est miné, notamment à la suite de ce qui est arrivé au Niger lors de la première phase du PASEC, c’est pourquoi nous vous avions consultés en amont, ce qui a abouti à privilégier le dialogue social.

Si la CONFEMEN et le PASEC essaient d'utiliser le CSFEF pour valider leur démarche et afficher leur bonne relation avec « les syndicats », sachez que sur le terrain et dans les différents pays, ce n’est pas le cas. Nous redoutons également une campagne de dénigrement des enseignants à la suite de la publication des résultats du PASEC 2019 et nous vous demandons d’être très vigilants sur ce point.

Nous tenons à ce que vous sachiez que le CSFEF n’a été associé en aucune façon à cette évaluation des enseignantes et enseignants et il a plusieurs fois exprimé son désaccord sur certains points de méthode.

En terminant, nous souhaiterions que vous nous teniez informés de la façon dont seront dévoilés les résultats du PASEC 2019 dans votre pays, en nous envoyant les résultats du PASEC dans votre pays le cas échéant, et en nous disant comment les syndicats ont été associés à la démarche du PASEC dans votre pays.

3. La situation dans certains pays ayant nécessité l’intervention du CSFEF

3.1. La situation en Haïti

Les syndicats de l’éducation haïtiens subissent une répression importante de la part du gouvernement depuis le mois d’août dernier.

En effet, le ministère de l’Éducation a adressé des courriers de mutation à la secrétaire générale de la CNEH et au coordonnateur de l’UNNOEH. Selon les syndicats concernés, ces mutations sont des mesures de représailles à la suite de leur mobilisation continue, depuis des mois, pour une éducation publique gratuite et de qualité d’une part, et une revalorisation de la condition enseignante d’autre part. Si les transferts étaient mis en application, cela les empêcherait d’exercer leurs responsabilités, et les priverait de locaux pour organiser les réunions syndicales.


Georges Wilber Frank

Dès cette annonce, les syndicats affiliés de l’Internationale de l’Éducation (CNEH, UNNOH et UNNOEH) ont décidé d’actions de manifestation et de grève aux côtés de plusieurs syndicats non affiliés à l’IE.

Depuis ce temps, le CSFEF a été en contact régulier avec l’IE pour coordonner des actions de solidarité. Nous avons informé les affiliés et environ 50 lettres de protestation ont été envoyées par 39 affiliés. Les organisations membres en Haïti nous indiquent que ces lettres sont très précieuses pour démontrer aux autorités, aux médias et à l’opinion publiques qu’ils ne sont pas isolés mais qu’au contraire ils disposent d’un appui international large.

Le CSFEF a aussi aidé les affiliés haïtiens à formuler des plaintes au haut-commissariat des Nations Unies sur les droits humains et à l’OIT.


Magalie Georges

3.2. La situation à Djibouti

Le CSFEF, avec notamment l’appui financier du SNES-FSU, s’est beaucoup investi avec les camarades de ce pays qui font face à un gouvernement corrompu qui exerce une répression sans nom au mouvement syndical. Nos camarades du SEP n’ont pas pu organiser leur congrès au mois de mai, à cause de la crise sanitaire, alors que, nous disent-ils, le renouvellement des instances est indispensable afin de permettre à de nouveaux militants de poursuivre le travail entrepris.

3.3. La situation au Liban

Le syndicat de l’enseignement primaire, PPSTLL, a perdu son siège à la suite de l’explosion en août dernier. Mais au-delà des besoins matériels, il y a aussi énormément de besoins sur le plan de la formation des élèves, car ceux-ci ont subi la pandémie et les effets de l’explosion au port de Beyrouth.

4. Un enseignant français assassiné : c’est toute l’éducation qui est visée

Voici le texte de la tribune commune signée par différents syndicats et associations du domaine éducatif, après l’assassinat effroyable de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie qui venait de tenir un cours sur la liberté d’expression et les carricatures.

Face à l'obscurantisme, faisons grandir une société unie et fraternelle

Une fois encore, le visage horrible du terrorisme nous met au défi.

Assassiner et décapiter un enseignant, un professeur d’histoire-géographie en charge de l’enseignement moral et civique, c’est s'attaquer au cœur de notre société.

C'est s'attaquer à ces hommes et ces femmes qui se chargent sur tout le territoire national d’enseigner les savoirs, d’initier au débat argumenté, d’éveiller l'esprit critique et d’assurer la liberté de conscience.

C'est s'attaquer à l'ambition d'une école commune donnant à tous les jeunes les moyens de maîtriser leur avenir.

Dans toutes nos écoles, en exerçant leur métier, les professeurs et l’ensemble des personnels font vivre les valeurs républicaines, la liberté, la laïcité, en leur donnant sens. Chaque jour, par leur action patiente, enseignantes et enseignants, personnels de l’éducation nationale contribuent à construire une République unie et fraternelle, diverse et respectueuse, éclairée et apte au débat démocratique.

Face à l’obscurantisme qui a massacré l’un des nôtres et nous meurtrit, notre réponse doit être ferme et résolue. Cet acte a été commis au nom de l’islamisme intégriste. C’est bien cette idéologie et celles et ceux qui la portent qui doivent être combattus sans relâche.

Par ailleurs, la stigmatisation des personnes musulmanes dans laquelle certaines forces politiques veulent entraîner le pays depuis bien des années ne peut que renforcer des clivages délétères et alimenter les machines de haine.

C’est par une politique ambitieuse d’éducation dans le cadre de l’École publique et laïque avec l’implication des mouvements d’éducation populaire complémentaire de l’enseignement public et des collectivités territoriales, pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République, par une politique de justice sociale que nous ferons reculer les périls obscurantistes et garantirons nos libertés.

Parce que c’est le devenir même de la République, de son École publique et laïque et de notre Nation qui est en jeu et, avec elles, une part de celui du monde, nous appelons toute la population à construire cette réponse avec nous.

Organisations signataires : CEMEA, Ligue de l’enseignement, Ligue des droits de l’Homme, les Francas, MRAP, FNE, JPA, SOS Racisme, CGT, CGT éduc’Action, FSU, SGEN CFDT, CFDT FEP, Solidaires, Sud éducation, SNCL, FCPE, FAGE, UNEF, FIDL UNL, UNSA Éducation, UNSA, SNEP UNSA.

5. La prochaine Rencontre du CSFEF est reportée

Comme vous le savez, la 17e Rencontre du CSFEF, qui se tient au même rythme que le Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la francophonie, aurait dû avoir lieu en novembre 2020 en Tunisie. Le sommet a été reporté d’au moins un an, sans qu’aucune date précise ne soit encore indiquée. La pandémie qui vit sa deuxième vague dans beaucoup de pays de l’hémisphère nord ne permet pas d’envisager de déplacement aérien ni de réunion publique avant un certain temps.

Le Bureau du CSFEF doit tenir compte des contraintes sanitaires et de la sécurité des personnes, il continue à travailler en tenant notamment des réunions à distance. La Rencontre du CSFEF est un moment important, lieu d’échange et de travail sur les thèmes syndicaux qui traversent l’espace francophone. C’est aussi le moment où le Bureau du CSFEF est renouvelé. C’est la raison pour laquelle le CSFEF privilégie une réunion en présentiel, qui ne pourra donc avoir lieu que lorsque les conditions de sécurité seront réunies. Le Bureau sera très réactif et fera tout son possible pour réduire le temps d’organisation de sa prochaine Rencontre afin que celle-ci puisse se tenir le plus rapidement possible après le feu vert sanitaire.

Syndicalement
Le bureau du CSFEF